Les cinq califes bien guidés

Les cinq califes bien guidés : figures fondatrices d’un héritage spirituel et politique

Dans la mémoire musulmane, les al-ḫulafāʾu ar-rāšidūn (الخُلَفَاءُ ٱلرَّاشِدُونَ) – les califes bien guidés – incarnent un âge d’or de justice, de rectitude morale et de fidélité à l’esprit du Prophète. Il s’agit des premiers successeurs du Prophète Muḥammad ﷺ à la tête de la communauté musulmane après sa mort en 632.

Traditionnellement, on en évoque quatre, mais un regard attentif sur les sources historiques révèle qu’ils furent cinq, si l’on intègre al-Ḥasan ibn ʿAlī, calife légitime et artisan de la paix. Voici leur portrait.

1. ʿAbdu llāhi ibn ʿUṯmān ibn ʿĀmir at-Taymiyy al-Qurašiyy – عَبْدُ اللهِ بْنُ عُثْمَانَ بْنُ عَامِرٍ التَّيْمِيُّ القُرَشِيُّ (ʾAbū Bakr)

Né vers 573, Abū Bakr fut le tout premier à croire en la mission prophétique de Muḥammad ﷺ parmi les notables mecquois. Son califat, qui commence juste après le décès du Prophète en 632 et s’achève à sa mort en 634, est marqué par une période critique : il affronte les tribus apostates lors des guerres de Ridda, stabilise l’autorité politique et initie la collecte des versets du Coran. Humble et juste, il refuse toute ostentation et reste jusqu’à la fin un modèle de sobriété.

2. ʿUmaru ibn al-Ḫaṭṭāb ibn Nufayl al-ʿAdawiyy al-Qurašiyy – عُمَرُ بْنُ الخَطَّابِ بْنُ نُفَيْلٍ العَدَوِيُّ القُرَشِيُّ (ʿUmaru ibn l-Khaṭṭāb)

Né vers 584, ʿUmar devient calife en 634, succédant à Abū Bakr. Durant ses dix années de califat jusqu’à son assassinat en 644, il bâtit l’ossature institutionnelle de l’État islamique. C’est sous son règne que l’empire s’étend rapidement vers la Perse, l’Égypte, la Palestine et au-delà. Il institue le calendrier hégirien, le Dīwān, et une justice sociale exemplaire. Figure d’autorité respectée, ʿUmar incarne la rigueur et l’équité au sommet du pouvoir.

3. ʿUṯmān ibn ʿAffāni ibn ʾAbī al-ʿĀṣ ibn ʾUmayya al-Qurašiyy – عُثْمَانُ بْنُ عَفَّانَ بْنُ أبِي العَاصِ بْنُ أُمَيَّةَ القُرَشِيُّ (ʿUthmānu ibn ʿAffān)

Né vers 577, ʿUthmān est calife de 644 à 656. Issu des Banū Umayya, il est réputé pour sa douceur et sa piété. Il joue un rôle déterminant dans l’histoire du Coran en ordonnant la compilation canonique du texte coranique. Mais son règne prend une tournure tragique : des accusations de népotisme attisent des tensions politiques croissantes, jusqu’à son assassinat en 656 par al-ḫawāriǧ alors qu’il lisait le Coran. Sa mort ouvre la voie à la première fitna (guerre civile).

4. ʿAlīyy ibn ʾAbī Ṭālib ibn ʿAbdi al-Muṭṭalib al-Hāšimiyy al-Qurašiyy – عَلِيٌّ بْنُ أَبِي طَالِبٍ بْنُ عَبْدِ المُطَّلِبِ الهَاشِمِيُّ القُرَشِيُّ (ʿAliyyu ibn ʾAbī Ṭālib)

Né vers 600, ʿAlī est le cousin et gendre du Prophète, père de Ḥasan et Ḥusayn. Il devient calife en 656 dans un contexte chaotique, après l’assassinat de ʿUthmān. Son califat est marqué par des conflits sanglants : la bataille du Chameau contre Ṭalḥa, az-Zubayr et ʿĀʾisha, puis celle de Ṣiffīn contre Muʿāwiya. Il tente de restaurer l’unité mais est rattrapé par les divisions. Assassiné en 661, il reste dans l’histoire comme un symbole de justice et de droiture.

5. al-Ḥasan ibn ʿAlīyy ibn ʾAbī Ṭālib al-Hāšimiyy al-Qurašiyy – الحَسَنُ بْنُ عَلِيٍّ بْنُ أَبِي طَالِبٍ الهَاشِمِيُّ القُرَشِيُّ (al-Ḥasanu ibn ʿAliyy)

Né en 624, al-Ḥasan est le petit-fils aîné du Prophète, fils de ʿAlī et Fāṭima. À la mort de son père, il est proclamé calife en 661 par les partisans de Kūfa. Soucieux d’éviter une nouvelle guerre civile, il cède le pouvoir à Muʿāwiya quelques mois plus tard, dans un acte de réconciliation historique. Pourtant, ce califat éphémère est souvent oublié dans la mémoire contemporaine, qui réduit les califes bien guidés aux quatre premiers. Al-Ḥasan meurt à Médine le 2 avril 670. Son geste reste un modèle de sagesse politique et d’attachement à l’unité.

Ces cinq califes ne sont pas seulement des figures d’autorité : ils sont aussi les témoins des débuts du pouvoir musulman, entre idéal prophétique et réalités du monde. Chacun à sa manière a forgé une part de l’héritage islamique. Redonner leur place à tous les cinq, c’est faire justice à une histoire riche, complexe, mais toujours porteuse d’enseignements.

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